cours peyran lacroix

ELLE(S) DRAGONNE

D’après Le dragon Evgueni Schwartz

Lettre aux auditeurs et auditrices

« Sans doute n’aurais-je jamais monté Le Dragon de Evgueni Schwartz si nous n’avions pas connu ce 1 er confinement.

Le confinement du printemps nous est tombé dessus. Comme une massue. Tout s’arrête. Tout se ferme. Tous s’isolent. Ne plus se voir, ne plus se toucher, rester loin des uns des autres. Cet ennemi invisible nous cloître chez nous. Méfiance du contact, crainte de la relation physique, obligation de supporter ceux avec qui on se confine. La tyrannie Covid commence.

Pendant cette période, toute pièce que j’approchais me paraissait appartenir à un autre temps. Dérisoire, hors propos. Et puis Philippe (Peyran Lacroix) me conseille Le Dragon et là, c’est l’emballement, rigolade, naïveté, amour, fraicheur et tyrannie ! Les dragonnes sont bestiales, voraces et sans pudeur. Elles n’ont pas de sentiment. Elles s’enfantent les unes des autres, tel un gynécée archéologique et bestial. Elles soumettent un monde terriblement humain, sentimental, lâche, ambitieux, débrouillard, apprenant. Lancelot et le livre des plaintes en est la métaphore : Plaignez-vous les uns des autres, ensemble surtout. Et le monde changera. J avais trouvé la pièce que je voulais travailler.

Ne voulant pas succomber à l’arrêt total et immédiat de notre travail, désirant garder une continuité pédagogique et un lien avec les élèves, nous avons décidé de monter cette pièce en une fiction radiophonique.

Avec Barouf, j’avais déjà réalisé de nombreuses créations radiophoniques (fictions et documentaires) pour la RTBF, la RFO, la RSR, France culture… et cela m‘emballa.

J’ai de la chance. Celle de travailler avec Philippe, fidèle équipier de longue date, valeureux commandant tenace de temps incertains. Et celle de retrouver mes élèves avec qui j’avais monté Proche au Théâtre de la pépinière un an auparavant.

Embarqués dans ce nouveau voyage, nous nous sommes adaptés à ces nouveaux protocoles sanitaires si désespérants, si frustrants. A distance dans des conditions pas toujours évidentes pour chacun… mais les élèves ont tenu, se sont accrochés car on n’abandonne pas le navire !

Nous avons lu et relu Le Dragon, nous avons critiqué, nous nous sommes moqués aussi, nous avons joué, essayé des choses, nous y sommes allés, disponibles car notre aventure collective pouvait avoir lieu. Nous avions faim, très faim !

Quelle joie d’avoir travaillé enfin en présence et tous ensemble en juillet au théâtre de La Pépinière, d’avoir ri, pleuré, fait de la musique. De retrouver l’énergie, la puissance de la voix, du corps, du jeu dans une grande confiance réciproque.

J’aime mes élèves, énormément. La jeunesse de notre pays est super, vraiment. Depuis le temps que je travaille avec des jeunes d’horizons différents, je suis toujours émerveillée par leur soif de faire, leur vitalité, leur mouvement de jeunes adultes, leur changement de mois en mois. C’est une grande chance qui m’est donné d’avoir pu partager cette aventure avec eux et je leur en remercie. J’espère que cela se sentira dans cette radio. »

Bonne écoute à vous tous

Margaux Delafon